Prises de position

L'INQUIÉTUDE ET LA RÉFLEXION DES PARENTS SUR LA TÉLÉ ET LES ENFANTS

Les réunions proposées par des associations (FCPE et autres) sont un moment privilégié pour entendre ce que les parents pensent à propos de la télévision et de leurs enfants. Au cours d'une table ronde/débat récente, nous avons pu constater ce qui posait question aux familles.

  • La violence à la télévision (cause de violence non maîtrisée dans la vie, voire d'incitation au meurtre). Les parents se demandent si les émissions, les films où la violence règne, ne sont pas des modèles que les enfants reproduisent dans la vie. On peut observer que beaucoup de parents ne connaissent pas les émissions TV Jeunesse, ne savent pas comment ont évolué les chaînes, quels objectifs elles se fixent. Parfois, on a l'impression qu'ils parlent d'enfants abstraits (les enfants "en général"), qu'ils redisent ce qui a toujours été dit sur la violence et l'image, la BD, le film, la TV, en éludant leur propre responsabilité. Notons que Zapp! a consacré 2 pages à cette question de la violence à la tété, dans le n°8 de mars 1994.
  • L'identification au héros. Le personnage principal a pour les parents, une influence importante sur les enfants, qui reconnaissent tel ou tel héros dans une émission, l'adoptent, ont envie de vivre comme lui, projettent sur lui leurs propres états affectifs... Les parents estiment dangereux ces comportements (cependant inévitables, qui existent de la même façon en littérature). Qu'ils en parlent : c'est par le dialogue que la famille pourra évoquer la différence entre fiction et réalité, et, tout en respectant le choix de son héros par l'enfant, discutera sur ce choix si elle l'estime nécessaire. Selon ses convictions elle pourra évoquer le problème du bien et du mal...
  • La crainte de la passivité des enfants devant l'écran. Beaucoup de parents pensent que contrairement à la lecture de textes écrits, la lectu-re de l'image ne demande pas d'apprentissage, et que leurs enfants n'ont pas d'activité intellectuelle devant la télé. C'est oublier que l'image ne se lit pas de façon linéaire, et qu'il faut regarder tous les éléments d'une surface, et rapidement s'il s'agit d'une image animée, pour découvrir son sens, voire ses sens. C'est oublier que cette démarche existe pour comprendre aussi bien un écrit qu'une émission de télé : saisir le sens du début de ce qu'on lit ou regarde, faire des hypothèses sur la suite, les vérifier, s'adapter à la situation décrite par l'auteur, refaire des hypothèses, etc., évoluer en même temps que le récit jusqu'à sa conclusion, en éprouvant ses émotions, puis juger le document : plaisir, déplaisir, interrogation, réflexion, satisfaction, etc. Cette démarche n'est qu'une des activités muettes que les enfants exercent devant l'écran ; parler avec eux de ce qu'ils voient ne permettrait-il pas aux parents de les découvrir ? Il faudrait aussi parler de l'interactivité ; c'est ce que Zapp! fait dans son n°8...
  • Le papillonnage qu'offre le zapping : "déjà les enfants regardent n'importe quoi, en plus ils sont incapables de se concentrer sur une seule émission, et zappent sans cesse... Que comprennent-ils alors ?" disent les parents. En fait, on parle de liberté : liberté de choix, liberté de se servir de la télécommande (et aussi du magnétoscope)... Or, la liberté est inscrite dans notre condition d'homme, et l'exercer pleinement nécessite une éducation que la famille, l'école se doivent de dispenser.
  • Le temps passé devant l'écran : bien trop important. Voire ! Les adultes regardent plus la télé que les enfants ; voici une idée reçue qu'il faudra bien mettre en cause. Zapp! en parle, en février 1995 (n°11 ), à propos d'une étude sur "L'identité du jeune téléspectateur", (demandée par le GRREM et France Télévision et réalisée par P. Corset, chercheur à l'INA), et donne des chiffres.

Nous avons par ailleurs, à l'occasion des débats, aborder des questions qui n'avaient pas été soulevées par le public. Ainsi :

  • La nécessité du dialogue entre l'enfant et ses parents : chaque jour, quand l'enfant a regardé une émission, il est indispensable qu'il puisse verbaliser ce qu'il a vu, expliquer ce qu'il a com-pris, dire ce qu'il a aimé.
  • La famille a son mot à dire sur ce que voit l'enfant, quand il le voit, comment elle organise la réception des émissions : en direct, ou en différé (magnétoscope). Ici encore, un dialogue est nécessaire.
  • Si les parents utilisent la télé comme une baby-sitter, il faut qu'ils y réfléchissent et le fassent en toute connaissance de cause, qu'ils sachent quand et jusqu'à quel point ils abandonnent leur rôle d'éducateurs.
  • La citoyenneté : s'ils mettent en cause la qualité, le contenu, la forme, le temps de diffusion (l'heure et la durée)... les parents ont (c'est leur devoir de citoyen) la possibilité d'agir : travail associatif; relations avec les chaînes, demande d'éducation des enfants à l'audiovisuel dans les lieux de loisir, à l'école...
  • Pour aider leurs enfants à choisir leurs émissions. Il est important qu'ils utilisent les documents écrits à leur disposition : journaux de programmes, magazines TV ; eux-mêmes ont le devoir de lecture : dossiers dans les hebdomadaires, livres... (pour information : Zapp! - Télérama junior - Télescope, etc.).
  • La nécessité de recevoir une éducation à l'audiovisuel : pas seulement les enfants ! Les parents aussi ! Mais il est indispensable que l'image animée fasse l'objet d'un travail véritable, d'une recherche d'information. Si cela est difficile dans la famille, l'école reste un des lieux où cette éducation peut se faire pour les enfants. Certaines associations proposent des stages. Et il existe de bons livres pour expliquer, par exemple, comment on fait une émission de télé (cela peut servir pour les mordus du caméscope!).
  • La télévision, lien social : les enfants, les jeunes adolescents (aussi bien que les adultes) parlent à leurs copains (à leurs amis, collègues, camarades de travail) des émissions qu'ils ont vues la veille par exemple : ce qui a plu, ce qui a intéressé, ce qui a agacé, ce qui a révolté ; les personnages de fiction, les animateurs, les présentateurs de J.T. : les émissions satiriques, les problèmes du monde : bref, tout ce que nous ne connaissons que par l'image et qui "entre" chez nous. Faudrait-il supprimer à certains enfants cette télévision qui est une occasion de dialoguer, et de débattre ? Heureusement, il y a la télé chez les autres, et le lien social qu'elle crée n'est pas rompu !

Lucette DEGROTT