LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION, UNE ÈRE DE LIBERTÉ
En quoi aujourd'hui, la société de l'information engendre de nouveaux
rapports sociaux, économiques et culturels ? À cette question,
des réponses sont déjà présentes. "Cercle de la raison", pluralisme
de l'expression, politique des pouvoirs publics et des groupes
financiers, les enjeux des nouvelles technologies sont pour les
associations d'éducation populaire un défi à relever.
Il suffit de les regarder, de les écouter, de les lire, pour savoir
ce que " demain " sera. Ils nous offrent analyses, commentaires
avec un aplomb de grands maîtres et nous assènent chiffres et
arguments irréfutables, comme étant de toute façon les seuls possibles.
Ne pas penser comme eux, c'est prendre le risque de s'exclure
des projecteurs de la scène publique. Forts de leur présence à
toute heure de la journée et dans les principaux médias, jouant
de leur connivence, ils se complètent dans leurs propos et nous
incitent à les suivre dans de vrais faux débats médiatiques où
la critique se conjugue avec la complaisance.
Ils. Ce sont ces hommes et ces femmes qui, omniprésents dans le
monde des médias, participent à la construction de la pensée unique.
Pour les définir les formules les plus séraphiques, signées par
leurs pairs, sont utilisées comme le "Cercle de la raison" ou
le "Cercle du réel et du possible".
Gagner la " bataille de l'intelligence "
Il est impossible de parler de la société de l'information sans
évoquer la main mise de ces " cercles " sur les grands médias.
Car de fait. cette situation illustre le danger qui menace une
démocratie qui ne garantit plus la pleine liberté du citoyen.
Est-ce réellement un danger ? Oui et plus précisément ce sont
trois dangers qui guettent notre société si nous ne sommes pas
vigilants. Celui qui découle de cette hégémonie d'informations.
Faiseurs d'opinion, " ces cercles " représentent une réelle menace
pour le pluralisme des idées et de l'expression publique. L'acquisition
des médias et du multimédia par les grands groupes industriels
et financiers engendre de profondes modifications du monde de
l'information, de l'édition et des loisirs et représente le deuxième
danger. La disparition progressive de la presse d'opinion dans
les kiosques et les difficultés permanentes que rencontrent les
journaux, radios et rares télévisions des organisations sociales
et culturelles illustrent avec force les conséquences de ces monopoles,
que certains considèrent comme irréversibles. Il est inimaginable
que la France reste l'un des rares pays où la législation n'enraye
pas le développement de ces conglomérats. Le gouvernement doit
saisir l'occasion du débat parlementaire lors de la prochaine
loi sur l'audiovisuel pour briser ces monopoles. Le troisième
danger est celui de l'exclusion. La notion de société duale est
souvent utilisée pour évoquer ce fossé qui se creuse entre ceux
qui accèdent aux sources de connaissance et ceux qui par leur
situation sociale s'en trouvent exclus. Danger politique, danger
économique et danger culturel sont donc les trois facettes d'une
menace pour notre société qui risque aussi progressivement de
tourner le dos à la démocratie et à la citoyenneté.
Le numérique, un espoir aux multiples embûches
Dans un pays où l'un des fondements républicains et constitutionnels,
rappelé à chaque étape de son histoire, est celui de " la libre
communication des pensées et des opinions" reconnue comme " un
des droits les plus précieux de l'homme " (art. 11 déclaration
de 1789), il est indispensable que les pouvoirs publics, mais
aussi les acteurs sociaux, dont les associations, se saisissent
du devenir de la société, cette société qui s'annonce comme une
société de l'information.
Les associations d'éducation populaire doivent amplifier leurs
actions sur cette question, ou à défaut. prendre I'offensive.
Les enjeux et les perspectives sont multiples. Et l'accélération
du développement des nouvelles technologies de l'information et
de la communication en souligne l'acuité. Etre présent dans cette
"bataille de I'intelligence" évoquée par le gouvernement français,
c'est choisir de s'inscrire positivement dans cette évolution.
Plusieurs initiatives sont possibles. Grâce au numérique, des
contraintes techniques, financières et matérielles s'estompent.
Mais d'autres surgissent. et l'espoir que suscite le numérique
et ses multiples domaines d'application est parsemé d'embûches.
Pour les associations d'éducation populaire, il est donc nécessaire
de choisir quelle politique et quelles stratégies d'actions il
est opportun d'engager pour réussir.
Agir au cur de l'éducation
Le champ dans lequel les associations doivent investir est bien
celui de l'éducation. C'est du côté de l'enfant, de la formation
de l'homme, de l'égalité des chances, du maintien du pluralisme
des idées et des débats dans un esprit de laïcité, de la protection
de l'individu, de son libre choix, de la pression et de l'influence
auprès des institutions décisionnelles, que les responsables associatifs
doivent agir. Tel est le chantier qu'il faut entreprendre, dans
tous les lieux, dans toutes les instances qu'ils animent ou auxquels
ils participent, et cela sans exclusive. Les idées ne manquent
pas et de multiples initiatives sont déjà prises. Foisonnement
de projets, mise en réseau des différents acteurs, actions publiques...
les champs du possible sont multiples. Il est du rôle des associations
de garantir l'accès du plus grand nombre à ce monde de la connaissance
et de l'information.
Un tel choix exprime cette volonté d'entrer dans le troisième
millénaire en allant de l'avant. Participer à l'éducation de tous
en prenant en compte l'évolution de la société, trouver la juste
place des nouvelles technologies, c'est relever le défi de vouloir
peser face aux dangers qui menacent les principes fon-damentaux
de notre civilisation. La garantie de ces principes et des valeurs
qui les animent est la première condition pour que demain la société
de l'infor-mation reste une ère de liberté.
Claude GLOECKLE |